XVIIème siècle : L'Orféo, un manifeste Humaniste.

Publié le par Molilow


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          Nous pouvons considérer l'Italie comme le foyer de l'Humanisme, et c'est dans cette Italie qu'est né L'Orfeo de Claudio Monteverdi et d'Alessandro Striggio, le premier opéra à succès. Le compositeur et le librettiste entretenaient un rapport épistolaire. L'Orféo est créé sept ans après L'Euridice de Peri, et 9 ans après le premier Opéra de l'Histoire: Dafnée de Corsi et Peri (aujourd'hui perdu). Il est joué pour la première fois le 24 Février 1607 à Mantoue en Italie. Il nous conte une version de l'histoire d'Orphée et de sa malheureuse Eurydice. Cet Opéra est l'une des premières représentations du mythe à travers l'Histoire.  Créé après la Renaissance, cet opéra est un manifeste Humaniste. Il se montre original dans sa musique, aussi poétique soit-elle, et dans sa mise en scène.


« J'ai décidé de faire représenté une fable en musique. »

Francesco Gonzaga



 

           La maison princière de Mantoue a fortement contribué à la création de cet opéra puisque l'idée naît dans l'esprit du jeune prince Francesco Gonzaga (1586-1612). Il est alors à la tête des Invaghiti (penseurs et artistes de Mantoue, majoritairement érudits, donc dans le courant de l'Humanisme c'est à dire à la recherche du savoir absolu). Son jeune frère, Ferdinando Gonzaga (1587-1626) qui se trouve aux côtés du Grand Duc de Toscane lui envoie un castrat (jeune homme ayant été castré avant la puberté afin de conserver la voix aiguë de l'enfant, tout en ayant la puissance vocale de l'adulte) et la fable se jouera pour la première fois chez Le Duc de Mantoue, Vicenzo Gonzaga (1562-1612).

          La première représentation de L'Orféo était destinée à un public uniquement masculin, des hommes tous membres de la tribu des Invaghiti.  Striggio, le librettiste faisait lui aussi partie de cette «tribu». Les rassemblements d'hommes, de penseurs, étaient loués à cette époque, ils cherchaient à concilier l'admiration du peuple antique et l'esprit de l'évangile où Jésus et les Apôtres formaient une sorte d'ensemble. De par ce rassemblement, ils cherchaient à reconsidérer la place de l'Homme dans le monde, L'Orféo naît de ces perspectives. Mais cet opéra n'a pas été commandé dans le seul but de reconsidérer l'Homme dans la création, il a aussi servi d'outil de propagande pour la maison princière : « L'Orfeo a permit de rappeler avec quelle splendeur et quelle intelligence la noble famille Gonzaga a apporté sa contribution à la quête humaniste. »

 

          Nous remarquons grâce aux didascalies du livret de Striggio une opposition entre les espaces intérieurs et extérieurs, ce qui révèle encore une fois l'admiration que pouvaient avoir ces hommes pour l'antiquité. L'opposition des espaces est une tradition du théâtre antique. Aussi, ils utilisaient deux machines pour retrouver la scénographie Grecque: l'Eccycleme (plateau roulant sortant par la porte centrale pour voir de l'extérieur une partie de l'espace intérieur.) souvent utilisée dans cet opéra pour mettre en scène la demeure de Pluton et Proserpine; et la Mecchane, sorte de nacelle accrochée à une grue pour faire évoluer les divinités en l'air.


          De plus, dans la partition, Monteverdi exploite tous les langages musicaux de son époque créant ainsi une sorte de polyphonie traditionnelle. Il utilise aussi la monodonie du Moyen-Âge (ancêtre de la polyphonie elle ne comporte pas d'accompagnement musicaux et est considérée comme le langage de la prière.). Il met en place de nouvelles formes instrumentales et divers modes de chants. Autre innovation, Monteverdi reprend la typologie classique de l'orchestre (orchestre bien étoffé, bien installé...) et y ajoute des variations de coloris pour aider les auditeurs à comprendre les changements de textes. Il utilise des musiciens de la Renaissance, et offre une fin en forme d'apothéose à la réflexion menée par les Humanistes : L'Homme est au centre de la reflexion, en l'occurrence, ici, au centre de l'histoire. Cette fin est formidable pour les Humanistes puisqu'elle offre une proposition pour l'au-delà avec la montée aux Cieux d'Orphée, invité par Apollon dans le Palais de L'Olympe. En quelque sorte, cette fin peut engendrer un élan d'espérance pour les spectateurs; Apollon sauve Orphée du déséspoir en lui proposant de le rejoindre au ciel, d'où il pourra contempler Eurydice à jamais. En plus de l'espoir qu'elle procure, cette scène offre une morale:

« Le dieu reproche à son fils de s’abandonner à la douleur, d’être esclave de ses passions. »


           Monteverdi fait le rapprochement entre l'architecture et la musique, deux arts se ressemblant beaucoup dans leurs principes : comme l'architecture, la musique se veut être structurée. Il choisit d'illustrer par sa musique les principes énoncés dans divers traités d' architecture de la Renaissance : Une architecture symétrique rappelant une fois de plus la période Antique. Une dernière idée humaniste est illustrée par la divinisation du poète héros lors de la montée aux cieux d'Orphée.


C'est pourquoi nous pouvons dire que l'Orféo est une tragédie inspirée de la période antique et une oeuvre religieuse (on retrouve la fonction religieuse des tragédies Grecques).

Certains appellent L'Orféo « La juste prière de Monteverdi. »

           L'Orféo de Monteverdi n'est pas un mythe noir, tout y est clair avec une pointe d'innocence. Il apporte une certaine Lumière, par sa reflexion et par son ambiance. Le livret est simple, et l'ambiance générale au bonheur. Striggio accentue le fait que l'homme doit avoir accès au bonheur, malgré toutes les difficultées qu'il peut rencontrer.

Publié dans Opéra

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